Un Requiem pour la renaissance

Présentation

Comment écrire sa version du Requiem, en 2020, après les chef-d’œuvres que l’histoire de la musique nous a laissés ?
L’arrivée mondiale de la crise de la Covid 19 a soulevé de multiples questions sur la vie, la solitude devant la mort, le renouvellement et l’étude de soi. C’est au cœur de cette crise, au mois d’avril, que j’ai écrit ce Requiem.

L’homme a-t-il été puni par Dieu ? C’est le thème de la légende de Babel, que l’on trouve dans le livre de la Genèse, et qui est présent dans les trois grandes religions monothéistes. J’ai choisi d’ouvrir le Requiem par une adaptation de ce texte, dans ma langue maternelle, pour que chacun en entende le sens et le message : celui de l’ambition déréglée, de la parole perdue et de la nécessité de s’écouter pour de nouveau s’entendre. La dispersion des langages de la légende du pays de Shinar m’a poussé à écrire le reste du Requiem en trois langues.
Après la demande de lumière du Lux aeterna, et le texte de Babel, j’ai choisi deux épisodes de la cérémonie liturgique chrétienne : Lacrimosa et Dies Irae, jour de larmes et jour de colère....
Deux symboles : l’un du chagrin et de la renaissance, l’autre de la fureur et de la destruction.
Mon ami le poète et philosophe marocain Mohammed Ennaji m’a proposé un texte original en arabe littéraire, Qoboûr, qui serait le pendant de l’Ingemisco latin.

Qoboûr est une méditation sur nos tombes, ouvertes, découvertes, qui accueillent les rois comme les démunis vers ce que le profane appelle la Mort.
Dans le mouvement suivant, l’homme loue la gloire de Dieu, espère retrouver la parole perdue, et demande la joie. C’est le thème du Gloria, en cinquième position de ce Requiem.

L’Offertoire est un moment musical poussant à la réflexion interne. Nous allons avoir la réponse, mais le thème de Dies Irae gronde encore, lointain mais bien présent.

Voici le message principal délivré par le Cantique des Cantiques (Shir Hashirim) : seul l’Amour est plus fort que la Mort. L’homme perdu au jardin des noyers cherche la solution, la voici, elle était devant lui : l’Amour, dont les embrasements sont embrasements de feu.
La trompette appelle, voici déjà l’appel de la Mort (Tuba Mirum) pour comparaître face au Juge, et nous rassembler au pied du trône.
Chacun dans sa langue, les hommes vont demander le repos, le pardon et la lumière éternelle. Requiem aeternam en latin, Ya rabbou en arabe, Kaddish en hébreu se mêlent pour former la dernière prière.
La Mort est venue, mais ce n’est qu’un passage, déjà, la renaissance et une nouvelle vie sont en marche.

Laurent COUSON

Préface de Marek Halter


marek halterQu’est-ce que la paix ? La Bible l’évoque 216 fois. Et le Talmud précise que celui qui, sa vie durant, n’a rien fait pour elle, c’est comme s’il avait raté son existence.

Mon ami Laurent Couson lui dédie son Requiem XIX. La paix est un vieux rêve de l’homme né dans la violence, rappelle Jésus lorsqu’il s’adresse aux hommes de bonne volonté. Laurent Couson la dit et la répète en hébreu, en latin et en arabe, langues des trois grands monothéismes. Il l’amplifie par sa musique portée par la voix puissante de la soprano soliste, et redoublée par un chœur et un ensemble instrumental bouleversants.

Le Requiem XIX apparaît tel un hymne à la gloire de la paix : un sacre. À l’instar de la 9e que Beethoven, en son temps, dédia à la joie.

À écouter. À réécouter. Et à applaudir.

Marek Halter

Interview de Laurent Couson

Laurent Courson
Rencontre avec Laurent Couson, compositeur et chef d’orchestre. Sa dernière composition, Requiem XIX, sera créée prochainement en l’église Saint-Médard. Une œuvre qui apporte un message d’espoir et « célèbre la vie et le vivre ensemble ».

Comment a-t-on l’idée aujourd’hui d’écrire un Requiem ?

Aucun compositeur ne peut être insensible au genre du Requiem, qui a donné tant de chefs-d’œuvre, de Mozart à Britten. J’ajouterais également que j’ai une passion pour la théologie. Et puis, naturellement, il y a ce que nous avons vécu ces derniers mois.

L’idée d’écrire un Requiem m’est venue au moment de la crise sanitaire, le XIX y fait allusion. Le premier confinement, au printemps 2020, m’a laissé du temps libre, comme à beaucoup de gens, j’ai donc pu me consacrer entièrement à sa composition. J’ai écrit Requiem XIX en un mois : je ne sais si cette œuvre aurait existé sans la crise, en tout cas je ne l’aurais certainement pas écrite aussi rapidement.

Quel sens donner à votre œuvre en cette période ?

Dans une époque qui enferme les gens, les tient à distance les uns des autres, je voulais écrire une œuvre qui exprime l’idée de réunion, de concorde. L’épisode biblique de la tour de Babel est exposé dans le prologue. Bien sûr, on peut y lire une parabole sur la vanité et la démesure des entreprises humaines, mais on peut aussi y voir la nécessité pour tous les peuples, privés d’une langue commune, d’aller à la rencontre des autres et de faire l’effort de les comprendre. « L’amour est plus fort que la mort » : ces paroles du Cantique des Cantiques sont dans le texte de mon Requiem, elles en résument parfaitement l’esprit.

Votre Requiem mêle les épisodes traditionnels du requiem chrétien (Dies Irae, Gloria, Tuba Mirum…) à des extraits de la bible hébraïque et à la poésie de Mohammed Ennaji.

J’avais à l’esprit moins une messe des morts qu’une œuvre faite pour se rassembler autour du souvenir et célébrer la vie. C’est pourquoi, reprenant l’idée que j’avais depuis longtemps de réunir trois œuvres dans une seule, j’ai pensé à adjoindre au texte liturgique catholique la prière du Kaddish, des vers du Cantique des Cantiques, ainsi qu’un texte original en arabe littéraire du grand poète marocain Mohammed Ennaji, qui a immédiatement répondu à ma proposition. Il n’existe, à ma connaissance, aucune autre œuvre qui mêle les trois langues des trois grandes religions monothéistes, latin, hébreu et arabe littéraire. J’ai travaillé également avec des théologiens et des religieux. Et j’ai fait relire la construction du texte final au philosophe et théologien Jean-Yves Leloup....

Votre Requiem apporte un message de paix et célèbre la vie.

Lors de la création de Requiem XIX, qui aura à l’église Saint-Médard, seront présents des représentants des trois grandes religions monothéistes, un imam, un rabbin et un archevêque. Ils prendront tous les trois la parole au début du concert pour célébrer « le vivre ensemble ». Safe World Peace et Coexister, deux associations qui militent pour la paix et la cohésion sociale, soutiennent également Requiem XIX. Faire jouer cette œuvre au cœur de la crise a naturellement une valeur symbolique.

Faire tomber les barrières entre les gens, et entre les genres musicaux, c’est une chose à laquelle je suis très sensible. J’ai pris part pendant plusieurs années à la programmation du Festival International des Trois Cultures, qui avait lieu en Espagne, en France et au Maroc. Des œuvres étaient chantées en arabe, en hébreu et en français. Didier Lockwood, pour qui j’avais la plus grande admiration, et qui fut pour moi un maître (il a produit mon premier disque), a joué au Festival des Trois Cultures. Je parle de lui aujourd’hui parce qu’il symbolisait parfaitement cet esprit d’ouverture, de transmission et de partage.

Peut-on dire un mot de vos interprètes ?

Un Requiem c’est d’abord un chœur. Je tiens à dire que Marie-Christine Pannetier, qui dirige les deux chœurs que l’on entend dans Requiem XIX, Pro Homine et Al Fin Voce, a fait un travail fantastique. À l’heure où tout le monde baissait les bras, accablé par le confinement, elle a entraîné ses chanteurs dans l’aventure. Nous avons de la chance en France de posséder de nombreux chœurs amateurs de très haut niveau. Mon Requiem est aussi écrit pour que le plus grand nombre de ces chœurs s’en emparent, comme ils l’ont fait avec la Misatango de Martín Palmeri. Cette œuvre connaît un succès extraordinaire, il ne se passe pas une semaine sans qu’elle soit jouée quelque part dans le monde.
Magnifica est un extraordinaire ensemble de cuivres, qui a toujours été tourné vers la création. Ils jouent avec l’homogénéité d’un ensemble constitué et une fougue unique.
Je pourrais dire encore un mot de Mélody Louledjian, soprano soliste, qui impose sa présence et ses exceptionnelles qualités vocales.

Musicalement, la formation est classique (chœur, soliste, ensemble instrumental). Le langage est polyphonique, d’une grande subtilité harmonique et rythmique, mais toujours mélodique. Parlez-nous de votre style musical ?

La tonalité est la base de mon écriture. J’ai besoin d’entendre une mélodie. Mais c’est une écriture classique enrichie par mon expérience dans le Jazz et la musique de film. Et la tonalité ne renvoie pas plus au passé qu’elle n’implique une quelconque simplicité d’écriture : elle permet simplement à l’auditeur d’appréhender la beauté de l’œuvre. Nul besoin d’avoir fait des études pour apprécier la beauté de la tour Eiffel, mais seul un architecte pourra la construire. Peut-être est-ce en ainsi que le jeune public reviendra dans les salles de concert classiques. En programmant davantage de compositeurs vivants, et de compositeurs qui viennent de tous les horizons. Le répertoire est important, mais la musique vivante tout autant. Au XIXe siècle, elle représentait 80% des œuvres jouées en concert. Rajeunir le public, c’est ce qui empêchera les orchestres de mourir.

Si le confinement vous a laissé le temps de composer votre Requiem, cela signifie-t-il que vos autres projets, comme pour de nombreux artistes, ont été suspendus ou interrompus ?

En effet, tous les concerts de l’Electro Symphonic Project, dont l’enregistrement est paru chez Decca Records l’an dernier, ont été annulés et, je l’espère, reprogrammés dès que ce sera possible. Il s’agit d’une expérience d’un genre nouveau, rapprochement de la musique électro et de l’orchestre symphonique. Autre sortie différée, celle du dernier film de Claude Lelouch, L’amour, c’est mieux que la vie, dont j’ai écrit la musique. Je travaille avec Claude depuis quinze ans, en tant que compositeur, et j’ai également joué dans plusieurs de ses films, toujours le rôle d’un musicien, un personnage que Claude aime montrer à l’écran. Je crois pouvoir dire que Claude a adoré l’idée du Requiem XIX. Il m’a promis d’être là pour la création.

Laurent Ferlet, coproducteur

Laurent Courson« Dès que Laurent Couson m’a parlé de Requiem XIX, j’ai tout de suite compris que serait une œuvre majeure et décisive dans sa carrière. Le Requiem a donné tant de chef-d’œuvre ; j’aime l’idée que l’on puisse réinventer, au XXIe siècle, ce style musical pour en faire, à l’image de Pierre Henry et sa Messe pour le temps présent, un Requiem pour temps de crise, une œuvre qui célèbre la renaissance de la vie et chante le monde d’après. Écrire une œuvre chantée dans les trois langues, en latin, en hébreu et en arabe, est pleinement dans le temps présent et prône le vivre ensemble dont on a tant besoin.

Je connaissais les talents de compositeur et de chef d’orchestre de Laurent Couson pour avoir participé en tant que pianiste à Electro Symphonic Project à la Seine Musicale en 2019. J’ai donc décidé, dès le début, de l’accompagner dans l’écriture puis dans la production de Requiem XIX. Pendant le confinement du printemps 2020, Laurent Couson me racontait ses doutes et ses envies, me parlais de ses avancées et de son travail d’écriture titanesque. Puis en tant qu’éditeur, ma société Switch Productions a investi dans les éditions en plus de sa participation à la coproduction des premières dates de concert de Requiem XIX. Switch Productions est à la tête d’un catalogue de plus de 550 œuvres, qui pour la plupart sont mes propres œuvres mais aussi celle de mes amis compositeurs comme : Gabriel Yared, John Powel, Maurice Ceuriot, Alain Goraguer, Stephane Delplace et bien d’autres artistes.


Laurent Couson et moi partageons depuis quelques années plusieurs passions communes dont la musique. Quoi de plus naturel que de soutenir un ami pour que cette œuvre existe. »

Lors d’un voyage à Trinidad pendant le carnaval, il se passionne pour le steeldrum et l’intègre dans un orchestre de musique de rue, Couleur Carnaval, puis devient directeur musical d’une association de steeldrum, Calypsociation, qu’il dote d’une structure pédagogique. L’école se produit alors régulièrement en France et en Europe. Il compose et arrange pour ses orchestres et dirige 2 concerts à la Grande Halle de la Villette réunissant plus de 150 steeldrums pour les 100 ans de l’abolition de l’esclavage. Il a produit un CD live de cette soirée, Steel Dream, avec sa société de production et d’édition musicale, Switch Productions.
Il compose régulièrement pour la télévision, le cinéma et la publicité. Son amour de la musique classique, mêlé à sa passion pour la musique vivante, l’amènent naturellement à composer des mélanges ethno-symphoniques qui habillent parfaitement les films animaliers, d’aventure ou de voyages pour lesquels il est aujourd’hui l’un des collaborateurs les plus recherchés. Il met ainsi en musique de nombreux documentaires pour Disney Nature (70 clips animaliers). Disney l’honore également en lui confiant la composition de la musique du film Grizzly qui sort en salle en 2014 et reçoit le prix SACEM/UCMF du meilleur compositeur de musique de film au festival de La Rochelle. Oxford Scientific Films lui confie la composition de la musique de Meerkat Manor, nominé au festival de Bristol et de Jackson Hole pour la meilleure musique. Il travaille régulièrement pour Boréales Productions, notamment pour la collection Le Seigneur des animaux, série de dix films exploités dans plus de quatre-vingts pays, pour la plupart nominés ou récompensés dans de nombreux festivals, y compris aux Emmy Awards. Laurent Ferlet compose également la bande originale de long-métrages tels que Hanuman, avec l’orchestre philarmonique de Sofia et de prestigieux solistes indiens et africains, Les Hommes d’Ushuaia, avec l’orchestre philarmonique de Prague et la Choral Kühn (Sony Classical), et Kalachakra avec la participation d’Alain Kremsky et ses bols tibétains (Warner). Il compose la musique du film Sur le chemin de l’école qui, en plus d’un grand succès commercial, a reçu le César du meilleur documentaire. Ainsi qu’une série de 13 épisodes sur le même sujet avec une distribution internationale. Plus récemment il compose la musique de GOGO, le dernier film de Pascal Plisson qui devrait sortir en salle en janvier 2021.
Pour la télévision, il signe la musique de séries comme Une femme d’honneur (39 épisodes), Louis XVI, L’appel du 18 juin, Des volcans et des hommes, et de nombreux documentaires. Enfin il réalise une musique pour Shakira accompagnant un clip sur l’éducation et projeté pendant ses concerts.
Ne délaissant pas sa passion première, il continue à donner des récitals et à créer des pièces de musiques contemporaines pour piano solo ainsi que pour piano à quatre mains, pour lequel il a un goût particulier. Affectionnant le répertoire de musique française, il a ainsi enregistré des pièces pour quatre mains de Fauré, Debussy, Ravel, Schubert. Il a arrangé pour piano 4 mains un programme a succès Quand le piano fait son cinéma qu’il a joué au festival d’Avignon en 2018 et 2019. Plus récemment, il partage le piano avec son ami Pascal Silvestre autour d’un répertoire de musique française et donne de nombreux concerts en France et à l’étranger.
Laurent Ferlet est sociétaire définitif de la SACEM depuis 2002 et membre de l’UCMF, membre de la commission de l’audiovisuel à La SACEM depuis 2016.

www.laurentferlet.com
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